Interview de Franck da Silva – L’Officiel des Transporteurs

Ænon Corporate Finance,

La banque d’affaires indépendante spécialisée dans les opérations complexes de fusions-acquisitions et de stratégie d’actionnariat. 

Article paru dans le n° 2832 de L’Officiel des Transporteurs du 13 mai 2016 :

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3 questions à Franck da Silva, PDG d’Ænon Corporate Finance, cabinet de conseil indépendant spécialisé dans les opérations de haut de bilan et de rapprochements d’entreprises.

 

Comment se fait-il que des transporteurs ouvrent leur capital à un fonds ?

Tout d’abord, je voudrai rappeler pourquoi un transporteur aurait besoin de renforcer ses fonds propres, parce que c’est bien de cela dont il s’agit lorsque l’on parle de l’entrée d’un fonds au capital d’une entreprise. Vous le savez bien, le secteur a connu et connait encore une mutation importante liée, pour simplifier, aux contraintes réglementaires et à l’internationalisation des échanges. Dans le même temps, la concurrence accrue pousse les acteurs à la concentration afin de renforcer et pérenniser leur activité core business. Ainsi, les principales raisons qui poussent l’entreprise à devoir renforcer ses fonds propres sont la volonté de procéder à des opérations de croissance externe (majeures ou ciblées), de garantir l’indépendance de l’entreprise (face à un grand groupe concurrent par exemple) et enfin de faciliter une transmission familiale (ou à un tiers) de l’entreprise.

Un tel mode financement reste-il approprié au transport de marchandises ?

Bien sur ! D’ailleurs plusieurs fonds investissent régulièrement dans le secteur et, pour tout vous dire, nous accompagnons nous-mêmes en ce moment un transporteur dans une augmentation de capital auprès d’un fonds   d’investissement.

Il faut savoir qu’un fonds s’intéresse avant tout à l’entreprise en tant que telle et non au secteur auquel elle appartient. Une belle entreprise pilotée par une équipe talentueuse qui met en place un projet ambitieux et pérenne n’a aucune raison de ne pas intéresser un investisseur en capital. Les fonds interviennent de différentes façons, en minoritaire ou en majoritaire, soit pour accélérer la croissance organique de l’entreprise en l’accompagnant pleinement dans sa stratégie, soit en lui donnant les moyens de mettre en place une stratégie de croissance externe volontaire, soit enfin en aidant les managers-actionnaires en place à préparer la transmission de l’entreprise.

Enfin, une entreprise qui réalise de « faibles marges » n’est pas pour autant écartéeIl faut faire attention lorsque l’on parle de rentabilité. Un secteur peut être structurellement à « faible marge » mais cela ne veut pas dire que les fonds ne s’y intéresseront pas. Ce qui intéresse les fonds ce sont les talents, les entreprises à fort potentiel de création de valeur. Une société qui réalise par exemple 3 ou 4% de marge opérationnelle n’est pas forcément une «  mauvaise » entreprise et une autre qui en fait 10% n’est pas forcément « bonne ». Je veux rappeler que regarder cette rentabilité en valeur absolue ne signifie pas grand chose (et il faudrait d’ailleurs également analyser aussi son historique d’une part, et sa structure bilancielle d’autre part), il faut faire une analyse comparative. Peut être que, pour l’exemple que j’ai donné, la société qui fait 3 ou 4% opère dans un marché où ses concurrents ont une rentabilité de 1 ou 2% en moyenne, la société superforme donc ses concurrents sur son marché et donc on peut alors considérer que c’est une entreprise performante qui peut susciter l’intérêt d’investisseurs. A l’inverse, l’autre société qui réalise 10% mais sur une marche où la moyenne est supérieure n’est finalement pas si « bonne ». Mais attention cela ne veut pas dire non plus qu’elle n’intéressera pas des investisseurs. Des investisseurs peuvent justement avoir pour mission de rendre l’entreprise plus compétitive… Chaque situation est vraiment unique mais pour schématiser le principal réside dans la qualité de l’équipe en place et le potentiel de création de valeur.  Un secteur atomisé et/ou en pleine concentration n’effraie pas les fonds au contraire cela leurs procurent des opportunités d’investissements et de sortie (désinvestissement).

Les Fonds d’investissements et les transporteurs continueront – ils à faire route ensemble ?

Le sens de l’histoire des entreprises de transport va vers la concentration. Avec une globalisation accrue des échanges, le transporteur devra être capable d’accompagner la mobilité des affaires de son client sur le plan national et international. Il aura donc davantage besoin de financement pour investir. Les entreprises françaises dans leur ensemble manquent cruellement de fonds propres et les transporteurs n’échappent malheureusement pas à la règle. Il est essentiel que les dirigeants prennent conscience de l’importance d’avoir un bon niveau de fonds propres d’une part, et, d’autre part, que les sociétés de capital investissement soient fidèles au rendez-vous et accompagnent les transporteurs dans les meilleures conditions afin d’assurer leur pérennité. Enfin, comme toute décision importante, avant d’ouvrir son capital, le dirigeant a tout intérêt à se faire conseiller par des bons spécialistes. Il doit au préalable se demander pourquoi il a besoin de faire entrer un tiers dans son capital et établir une stratégie claire.